COELACANTHES ET PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

par Mohamed SOULE, professeur de Sciences de la Vie et de la Terre

Il est assez rare de lire dans la presse comorienne des articles d’ordre scientifique et notamment sur ce qui devrait être notre emblème national, le coelacanthe, alors que les découvertes se succèdent et que les recherches sur ce poisson, décidément mystérieux, avancent à grands pas. Partout où ils ont été observés, les cœlacanthes sont considérés comme des espèces en voie d’extinction. Dans le cadre des programmes de protection de l’environnement envisagés aux Comores et dans l’intérêt du développement des études de biologie marine sur place, des mesures doivent être prises pour sauvegarder les cœlacanthes en aménageant spécialement les zones côtières de pêche.

De nouvelles découvertes

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Les cœlacanthes sont des poissons survivant d’un très ancien groupe zoologique, les crossoptérygiens, qui étaient à leur apogée il y 360 millions d’années. Ce sont de véritables fossiles vivants. Au cours de l’évolution des espèces animales, ce groupe de poissons fut à l’origine des premiers tétrapodes, c’est-à-dire des animaux pourvus de deux paires de membres. Autrement dit, les crossoptérygiens ont joué le rôle de groupe charnière dans le passage de la vie aquatique à la vie terrestre.

Depuis trois ans maintenant, les Comores ne peuvent plus se targuer d’être la seule région du monde à abriter des cœlacanthes. En effet, après que le biologiste américain Mark Erdeman a découvert en 1997 puis en 1998, deux spécimens de cœlacanthes pris dans des filets de pêche au large de l’île de Manado Tua dans l’archipel des Célèbes en Indonésie, située à 10 000 km des Comores, deux autres spécimens ont pu être observés dans leur milieu en janvier dernier par des spécialistes européens. L’équipe qui a réalisé ces observations était dirigée par Hans Fricke de l’institut Max-Planck de Seewisen (Allemagne) et Raphaël Plante du Centre d’Océanologie de Marseille.

Dans un article paru dans la revue scientifique Nature du 6 janvier 2000, ces biologistes ont présenté les conclusions de leurs observations. Les études génétiques ont montré que les cœlacanthes indonésiens appartiennent à une espèce différente de celle des Comores (Latimeria chalumnae). La nouvelle espèce a été baptisée Latimeria manadoensis. Comme leurs cousins comoriens, ces cœlacanthes nouvellement découverts vivent par 155 m de fond dans des grottes sous-marines situées sur les flancs volcaniques de l’île. Hans Fricke et ses collègues ont par ailleurs estimé que les forts courants sous-marins qui parcourent les bords de l’île de Manado Tua et le peu de grottes répertoriées pour abriter les cœlacanthes ne semblent pas être des conditions favorables à la vie de ces poissons qui préfèrent les eaux calmes. Les quatre spécimens observés seraient des individus isolés appartenant à une population-mère qu’il reste à localiser, entre l’Asie et l’Australie.

 

 

Protection des cœlacanthes et de l’environnement

L’effectif des cœlacanthes observés en Indonésie étant très faible et celui de la population fixée aux Comores étant estimé à 250 individus, les scientifiques réclament de strictes mesures de protection pour ces poissons car ils considèrent que ces espèces sont en voie d’extinction. Aux Comores, l’activité de pêche est fortement concentrée sur une étroite bande côtière : cela constitue une menace pour la survie de "nos " cœlacanthes. D’après R. Plante, les prises accidentelles de cœlacanthes par les pêcheurs peuvent atteindre 10 spécimens par an à la Grande-Comore.

Déjà confronté au vaste fléau du blanchissement des coraux dû à l’élévation sensible de la température de l’eau de mer et qui provoque le délogement des zooxanthelles (algues symbiotes des polypes des coraux), la zone côtière mérite des mesures urgentes et effectives pour préserver cet environnement et sa biodiversité, une de nos principales richesses.

 

Pour la protection des cœlacanthes, qui peuvent faire ultérieurement l’objet d’études scientifiques qui pourront à leur tour stimuler le développement des études en biologie marine dans notre pays, les autorités peuvent d’ores et déjà envisager une série de mesures pour favoriser la pêche en haute mer et son interdiction en zone côtière. Les avantages de telles mesures sont nombreuses : en plus de la protection d’écosystèmes côtiers fragiles (récifs coralliens, mangroves…) et de leur faune diversifiée (d’innombrables espèces de poissons et de coquillages, les tortues…) le développement de la pêche en haute mer permettra une certaine modernisation (mécanisation) de cette activité qui entraînera une augmentation de son rendement.

C’est en prenant de telles décisions que les responsables comoriens créeront une dynamique propre à faire sérieusement avancer les projets soutenus par certains organismes internationaux, pour la création d'un parc naturel au large de nos îles et le développement du tourisme.

                                                                                                                                                             webcomores

 

 

AG00050_.gif (1202 octets) planification de la zone côtière de l'île de la GRANDE COMORE